Introduction :
On dit que les plus belles traditions sont faites pour durer éternellement. C’est ce que l’on peut se dire (mais aussi ce que l’on peut souhaiter) lorsque l’on parle du studio Pixar. Car comme le veut la tradition depuis maintenant 7 ans (à une exception prêt cependant), chaque nouvelle année est l’occasion pour Pixar de sortir son nouveau bébé au cinéma, et pour notre plus grand plaisir ! Car contrairement à certains autres du milieu qui font de même, Pixar réussi toujours à livrer un film d’animation de qualité (malgré un raté, Cars) qui émerveille petits et grands. Un an après Wall.E, et bien après des grands films tels que Toy Story, Monstres et Cie ou encore Ratatouille (pour ne citer qu’eux), c’est au tour de Là Haut (ou Up en version originale, déjà plus facile pour éviter les quiproquos concernant ce que vous allez voir) de sortir dans les salles obscures cette année ! Pour leur dixième film (déjà !), le studio à l’origine des films d’animation en 3D décide de revenir aux sources (ou presque) de leur cinéma avec ce film, après un succès précédant en demi teinte. Au final, le résultat est il à la hauteur des espérances que le film laissait présager suite aux multiples images parcourant le net et à la superbe bande annonce ? Pixar affirme t’il encore une fois son statut de maître de l’animation ? Chef d’œuvre qui hisse le genre de l’animation vers des cimes inégalées en terme de qualité, ou mauvaise passade qui fait redescendre Pixar de son nuage doré vers les méandres des dessins animés ? La réponse dans cette critique, et ce sans plus tarder !
Critique :
10 … Vu au premier abord, ce nombre n’a rien de particulier. Juste une succession de deux chiffres (un Un et un Zéro). Un nombre qui se trouve après 9 et avant 11, une notion de Mathématiques basique, et rien de plus. Pourtant, si on creuse un peu, le chiffre 10 n’est pas si innocent que ça. Au contraire, il est bourré de symboliques. Car non, les Mathématiques, ce n’est pas que de la résolution de calculs et de la logique a expérimentée, loin de là. Le 10, c’est avant tout un nombre complexe dans la notion de l’arithmétique. Car 10 est la base des nombres décimaux ! Mais en dehors de cette notion (encore une fois assez technique), 10, c’est aussi le nombre de doigts sur les deux mains d’un être humain normalement constitué (d’où le chiffre référence lorsque l’on compte sur ses doigts), c’est aussi un nombre symbolique dans la Bible (les Dix Commandements, les Dix plaies d’Egypte …), c’est encore la valeur ultime de la limite et de la forme, c’est la symbolique divine de la cohésion dans le cosmos, c’est la note moyenne (sur un barème de 20), mais aussi la note maximale de nos colonnes pour les films (ainsi que sur d’autres sites) ou pour tout autre chose … 10, c’est aussi (et surtout) le nombre de films que Pixar à réalisé à l’heure actuelle !
Pour ceux qui n’auraient pas suivis les grandes informations dans le domaine du dessin animé depuis 1996, Pixar est avant tout un studio qui a révolutionné le film d’animation en proposant ni plus ni moins que le premier film d’animation dit en 3D (entendez par là en image de synthèse, et non pas technique avec les lunettes en plastique / carton pour voir les films en relief) : Toy Story. Cette histoire de jouets vivants fit un véritable carton, aussi bien sur le plan des critiques (criant au chef d’œuvre) que sur le box office, et permis au studio d’acquérir une première renommée. Puis ce fut en 1999 que le studio à la lampe de chevet (appelée Luxo pour l’anecdote) revint sur le devant de la scène, avec 1001 Pattes. Et ce second film traitant de la vie des insectes commença déjà à diviser les avis : certains criaient au chef d’œuvre, d’autre à un film qui n’égalise pas leur première tentative ou trop proche de son concurrent, FourmiZ. Il faudra attendre alors un an avant que Pixar puisse remettre tout le monde d’accord sur leur capacité à faire des excellents films avec Toy Story 2, suite acclamée de partout et considéré par certains comme le meilleur film d’animation de tous les temps (surtout en Amérique). En 2002 commença le rythme d’un film Pixar par an avec Monstres & Cie, film d’animation qui eu encore une fois un énorme succès sur tous les plans. Mais le véritable succès monstre pour Pixar arrive un an plus tard avec le Monde de Némo. Plus gros succès pour un film d’animation de tous les temps à l’heure actuelle au box office mondial (détrônant le Roi Lion), cette aventure marine d’un poisson clown n’aura pourtant pas totalement séduite les puristes du studio, jugeant l’ensemble un poil trop naïf.
Mais ces mêmes puristes retrouvèrent la véritable marque de fabrique magique de Pixar avec le film suivant, les Indestructibles. Cet hommage aux super héros aura fait un véritable carton lui aussi (mais un peu moindre que son prédécesseur, il faut l’avouer), et bon nombres de spectateurs auront succomber à ce dessin animé reconnu à travers le monde. Après une pause de 2 ans, Pixar est de retour sur les écrans avec Cars … et avec lui les premiers véritables doutes des fans concernant la capacité de Pixar à faire un bon film. En effet, la formule n’a pas conquise les vétérans, jugeant l’ensemble trop encré dans l’esprit des films Disney (qui a racheté le studio à ce moment là), ne retrouvant pas la patte originale du studio. Malgré une qualité technique indiscutable, Cars est considéré comme le premier véritable échec de Pixar. Mais le studio n’abandonne pas, et se rattrapa un an plus tard avec brio via le nouveau film de Brad Bird (à l’origine des Indestructibles) : Ratatouille. Un retour aux sources des plus appréciables avec cette histoire de rat voulant devenir chef cuisinier à Paris. Un an plus tard, Wall.E sort sur les écrans de cinémas du monde entier, et là, le choc est immense : Pixar nous livre un dessin animé engagé, mature, visuellement impressionnant et d’une rare poésie. Un coup de maître ovationné par énormément de spectateurs, abasourdis par la puissance que dégage l’œuvre de Andrew Stanton (pourtant à l’origine de Némo !). Mais si le film fut un succès énorme sur le plan des avis, on ne peut pas en dire autant sur le plan du box office. Par ses paris osés (un dessin animé muet durant plus de la moitié du film notamment), le film aura difficilement toucher le public des enfants, qui délaisseront le film. Malgré des scores tout a fait honorables en Amérique et plus de 3 millions de spectateurs en France, Wall.E n’atteint pas les scores pharamineux de ses prédécesseurs. C’est donc dans un contexte de volonté de reconquérir le box office et une partie des fans que sort le dixième film du studio devenu depuis culte pour ses nombreux chef d’oeuvres : Là Haut !
Un enjeu des plus énormes, puisque Wall.E avait su séduire un public plus adulte (déjà attirer par les précédentes œuvres, il faut bien remettre le contexte à sa place) par le biais de ses thématiques nettement plus mature. Or Là Haut semble via sa bande annonce afficher un retour aux sources à l’époque où Pixar parvenait à séduire les enfants très facilement. Ce retour aux bases n’est pas à proprement dit un mauvais point (Pixar ayant réaliser d’excellents films bien avant Wall.E), mais ceux qui voudraient retrouver la puissance psychologique de Wall.E seraient fortement déçus. Mais même à cette époque, Pixar savait offrir une lecture plus adulte de leur film. Certes moins prononcée que Wall.E, mais présente ! C’est donc dans un contexte de tentative de retrouver les deux bords et un plus gros succès que Là Haut se retrouve. Le chiffre 10 symbolise la perfection, Là Haut serait-t-il né sous cette bonne étoile ? (d’où aussi la sélection en ouverture à la 62eme édition du Festival de Cannes, une première pour le studio qui avait avant cela été injustement boudé par la Croisette ?) Avons-nous affaire avec ce nouveau film au plus grand Pixar de tous les temps, ou à un ersatz de Cars sur le plan de la qualité générale ? Parvient il à reconquérir tous les publics, tout en atteignant les sommets que Wall.E laissait augurer pour l’avenir du studio en terme de qualité cinématographique (qui était déjà présente, certes, mais pas autant !) ? Et bien c’est ce qui va vous être décrit dans cette critique !
Pour commencer, abordons un point essentiel pour la majorité des œuvres artistiques, et notamment en ce qui concerne le domaine du cinéma : le scénario. L’histoire de Là Haut est celle d’un vieillard de 78 ans, Carl Frederiksen. Grincheux, ce dernier n’arrive pas à faire le deuil de sa femme, Ellie ; et vit seul dans sa maison. Personne ne vient lui rendre visite, personne ne lui écrit et Carl doit constamment lutter contre les sinistres hommes d’affaires qui veulent racheter l’espace où il habite pour en faire un lieu bourré d’immeubles. Mais un jour, la donne change et Carl se voit contraint d’accepter d’aller dans une maison spécialisée et laisser sa demeure. Ne pouvant tolérer cette idée, la personne âgée décide alors d’accrocher un maximum de ballons à sa maison et de s’envoler dans les cieux, pour réaliser le rêve de sa défunte épouse : aller vivre en Amérique du Sud ! Le voyage se déroule comme Carl l’avait prévu, ou presque puisqu’à bord de cette maison transformer en transport volant, une personne indésirable s’est incrustée à bord : Russel, un petit scoot de 9 ans ! Un voyage fantastique commence alors pour ces deux êtres que tout oppose, mais au fil de rencontres exceptionnelles, un lien va se créer entre ces deux héros …
Vous en dire plus sur le scénario de ce nouveau film Pixar serait un crime, et ce pour deux raisons : l’histoire du film propose une autre intrigue très intéressante … mais surtout ce résumé ne concerne que 5% du film ! A l’image de Wall.E, si vous pensiez que la bande annonce ou le scénario vous rendrait familier de l’univers du film et que rien ne pourrait vous surprendre durant la vision du film, préparez vous à une énorme surprise ! Le film part dans un sens, puis finalement le spectateur va se retrouver embarquer dans une autre situation que rien ne laissait présager auparavant et ainsi de suite … ou presque. Car même si l’histoire de Là Haut réserve des situations imprévisibles en se limitant le synopsis (et que nous ne dévoilerons pas, pour vous conservez l’effet de surprise), cette dernière n’est dans le fond pas des plus originales. On devine aisément comment l’intrigue dans sa globalité va progresser et se conclure, certains situations sont assez clichées … Mais aussi surprenant que cela puisse paraître, ce qui aurait pu devenir une tare tourne finalement à l’avantage du film, qui dégage une aura classique des plus plaisantes ! De plus, cette histoire est suffisamment accrocheuse, bien construite et belle pour totalement séduire. Encore une fois, Pixar livre une histoire des plus universelles, et qui fonctionne toujours autant ! Comme quoi, c’est toujours dans les vieux pots qu’on fait les meilleures recettes.
Comme vous avez sûrement pu le constater en lisant les quelques lignes traitant de la base du scénario de Là Haut, le film offre un univers assez différent des productions récentes dans le domaine de l’animation. Alors que la majorité des studios actuels nous pondent des histoires où des animaux parlants sont les héros, Pixar ose en offrant comme personnages principaux un vieillard et un petit garçon dans un univers des plus banals : le notre. Exit donc le futur de Wall.E ou des univers fantasques comme ceux des monstres (Monstres & Cie) ou des poissons (le Monde de Némo). Mais ce qui caractérise le plus cet univers, c’est sa capacité à livrer un imaginaire des plus débordants, malgré le fait que le film se déroule sur Terre. Ceci n’est en aucun cas une surprise venant de Pixar, habitué à nous offrir des univers, personnages et autres éléments cinématographiques d’une rare créativité ; mais encore une fois la formule fonctionne ! Sans trop en dévoiler, sachez que Là Haut offre au spectateur deux univers bien distincts que tout oppose, l’un plus sérieux (le début du film), l’autre des plus créatifs (le reste du film) avec entre autre une maison qui vole avec des ballons, une jungle en Amérique du Sud des plus colorées, un bestiaire loufoque dans ce même lieu et bien d’autres choses que nous garderons secrètes ! A chaque nouvelle scène, Là Haut livre une situation et un univers des plus créatifs. L’ensemble en devient fascinant, et il n’est pas rare d’avoir les yeux qui pétillent devant tant d’imagination !
Mais il n’y a pas que les lieux et les différents éléments de l’univers du film qui rendent Là Haut si unique, il y a aussi (et principalement) sa galerie de personnages ! Il y a peu de personnages, mais comme dans la majorité des dessins animés, est possible de les caser dans trois types de catégories (car non, Pixar n’a pas encore révolutionner cet aspect là) : les héros, les méchants et les seconds couteaux. Tout d’abord, il y a Carl, qui comme dit précédemment est une personne qui vit ses derniers instants. Petit et grognon, le protagoniste de cette odyssée dans les airs n’en reste pas moins très attachant malgré son sale caractère. Serait ce du à sa part d’humanité très prononcée qui sera toucher fortement le spectateur, ou à la forme de sa tête, carrée, caricaturale et irrésistible ? Un peu des deux ! Second héros du film, Russel est exactement l’opposé de Carl : il est jeune, pas très réfléchi et jovial. Cette opposition entre les deux personnages est particulièrement jouissive, et le tandem que forme ces deux héros devient vite extrêmement savoureux, rappelant l’autre tandem phare du studio : Woody et Buzz dans Toy Story ! C’est bien simple, depuis ce même film, on n’avait pas vu un binôme de héros aussi excellent ! En ce qui concerne les méchants, il est impossible de les dévoiler (pour encore une fois conserver un minimum de surprise, surtout pour un savoureux), ces derniers se dévoilant assez tardivement ; mais sachez que derrière leur méchanceté apparente (dont un particulièrement cruel, probablement le meilleur méchant de Pixar depuis le Borgne dans 1001 Pattes, monstre de charisme) se cache une certaine humanité, ce qui rend malgré tout l’antagoniste de Là Haut attachant, dramatique au possible mais surtout très bien écrit. Enfin, impossible de citer la galerie de personnages de Là Haut sans parler des seconds couteaux. Traditionnels dans le cinéma made in Pixar, ces derniers sont la touche comique absolue du film. Entre deux comparasses d’un des méchants absolument crétins et un oiseau bizarroïde appelé Kévin, le spectateur va découvrir des personnages secondaires exquis, et qui au final sont nettement plus importants et plus profonds que prévu, alors que leur statut ne laissait pas présager ceci ! Mais la véritable star du film n’est dans aucun de ses personnages …
Car si il y a bien un personnage qui marquera à jamais le spectateur pendant et après la séance, c’est le dernier personnage secondaire (et personnage tout court) qui n’a pas été encore mentionné plus tôt : Dug. Ce personnage n’apparaît qu’à la moitié du film (malheureusement), mais pourtant il réussira sans aucun problème à voler la vedette à tous les autres personnages du film. Mais qu’est ce qui rend ce chien à priori banal aussi attachant, au point d’attendre avec impatience sa prochaine apparition à l’écran ? Ses yeux de chien battu qui fait fondre le cœur le plus endurcit ? Son gros nez ? Ses mimiques ? Et bien c’est un peu de tout ça, mais la grande force de Dug provient d’un idée débordant d’imagination que nous ne pouvons dévoiler sous peine de vous gâchez l’effet comique le plus hilarant du film. De plus, le travail réalisé sur la crédibilité des agissements et des attitudes de Dug (queue qui remue, faciès typique du chien avec son regard qui en dit long, aboiements, couinements …) est bluffant. Au final, on a l’impression que la frontière entre ce qui se passe à l’écran et la réalité avec ce personnage est quasiment nulle : on a l’impression de voir un (son ?) chien, et non pas un simple personnage de film. Dug s’impose ni plus ni moins comme le meilleur second couteau de Pixar, même si pour le statut de meilleur personnage tout court, la première place restera pour Wall.E, décidément le plus mignon des robots. Après Rémy, Wall.E et maintenant Dug, le studio d’animation américain montre encore une fois qu’il sait créer des personnages que nul (ou presque) ne peut ne pas affectionner. Rare sont ceux à maintenir une cadence pareille, et à proposer un ensemble de personnages de cette qualité là !
Vous l’aurez sûrement compris, Là Haut est basé sur une opposition entre deux êtres d’un autre âge. Mais là où certains studios se seraient contenter d’exprimer cette dualité simplement via les personnages en question, Pixar va plus lui en proposant non pas que deux personnages opposés, mais deux univers et deux ambiances complètement décalées l’une par rapport à l’autre. Comme son prédécesseur (Wall.E donc), Là Haut commence dans un univers inhabituel pour un dessin animé : l’ensemble est très sérieux. Les images qui défilent à l’écran sont dans leur tonalité plutôt adressées aux adultes, car parfois très sombres. Cet univers est celui de Carl. Mais dès que Russell arrive dans la vie du papy grincheux, le deuxième univers du film arrive au gallot : celui de l’humour, de l’imagination et de l’aventure. Au départ en alternance, ces deux mondes à part vont finir par cohabiter lorsque le voyage de Carl vers l’Amérique du Sud va commencer. Le film devient plus coloré, plus inventif, mais n’oubliera pas de retourner vers l’ambiance de sa première partie de temps en temps. Une cohabitation qui aurait pu virer à la catastrophe si le mélange entre les deux n’avait pas été autant traité avec brio par Peter Docter, qui avec Monstres & Cie (son premier film) avait su démontrer qu’une cohabitation entre deux mondes (celui des monstres qui croise celui des humains, incarné par Boo) était d’une part possible, mais de l’autre pouvait être maîtrisée sans aucun décalage ! L’alchimie entre les deux tonalités du film est juste parfaite, et probablement avec Wall.E (car non, il n’y a pas eu que Monstres et Cie à essayer ceci) la plus maîtrisée à ce jour dans les productions de Pixar !
L’une des principales questions qui trottaient dans la tête des fans de Pixar qui avaient accroché à Wall.E pour son propos engagé concernait la maturité de leur nouveau projet. En effet, durant l’annonce du projet, Pixar avait déclaré que Là Haut serait un film d’humour. De plus, les bandes annonces offrent plus un avant goût d’un road movie certes savoureux, mais pas des plus profonds. Mais il faut croire que encore une fois, Pixar sait surprendre son monde, puisque le résultat final démontre qu’il en est tout autre : Là Haut est mature, très mature. On s’attendait à de l’aventure à 100%, finalement cette dernière n’est qu’une infime partie de l’œuvre cinématographique. Car Là Haut, c’est avant tout une histoire sombre, celle d’un deuil pénible. Pixar aborde pour la première fois dans un de leurs dessins animés de la mort d’une manière brutale, tout en sachant se faire fine, exposant les faits au spectateur et ne le prenant jamais pour un imbécile là où d’autres studios auraient mâchés le travail et exposé par A + B le fait sans se rendre compte que le spectateur sait faire lui-même une déduction. Mais ce n’est pas tout, puisqu’il est aussi question de stérilité, d’amour perdu, de divorce, de déchéance, de critique sociale envers le système capitaliste … Là Haut est aussi le premier Pixar à montrer du sang dans un dessin animé américain (car non, ce n’est pas le premier dessin animé tout court à montrer de l’hémoglobine), une première des plus surprenantes !
Vu comme ça, le film semble noir. Certes, il l’est, mais cela n’empêche pas Pixar de livrer via cette noirceur des scènes magnifiques, aussi bien dans le fond que dans la forme. On retiendra notamment deux passages du film : un qui inaugure le long métrage, et un autre situé vers la fin. Durant les quinze premières minutes, Là Haut livre une scène des plus belles, probablement la plus belle de la filmographie du studio, et ce pour plusieurs raisons. Tout d’abord car cette dernière est un modèle de mise en scène, alliant de superbes images avec un montage des plus efficaces, alternant plans suivis dans l’axe de la caméra mais pas dans la chronologie ou d’autres qui font références aux plans précédents. Mais ce qui marque le plus durant cette introduction, c’est sa teneur émotionnelle. Rarement un dessin animé n’aura été aussi poignant. En une poignée de minutes, les personnages sont posés aux yeux du spectateur, nous y sommes déjà attachés. En une poignée de minutes, le film résume une vie. En une poignée de minutes, le spectateur saisi tous les enjeux de l’histoire via une suggestion des plus bouleversantes, sans aucun mots, juste une musique entêtante. En une poignée de minutes, Pixar nous noue la gorge, et cette sensation s’achèvera à la fin de cette séquence mémorable en une explosion de sentiments qui se concrétisera dans des gouttes d’eaux sortant des pupilles … En une poignée de minutes, le studio livre une leçon de cinéma à elle-même, une scène potentiellement culte et l’une des plus belles scènes d’ouverture que le cinéma puisse offrir. Quand à la seconde, il est impossible de l’énumérer, mais sachez qu’elle aussi en bouleversera plus d’un par sa finesse inouïe. On savait que Pixar pouvait toucher son public, mais pas autant. La preuve de l’arrivée à la maturité que Wall.E avait inaugurer, celle où divertissement et leçon de vie fusionnent pour ne former qu’un ensemble, certes déjà présente, mais pas aussi aboutie.
Cependant, tout n’est pas des plus sombres dans Là Haut, puisque le film sait aussi distiller des scènes particulièrement joyeuses, notamment à cause de l’humour du film, excellent. Ce dernier sait passer par tous les genres : jeux de mots, quiproquos, humour visuel, absurde au possible, références qui feront rirent les puristes ou encore vannes foireuses qui deviennent hilarantes. Autre type de scène marquante dans Là Haut (à croire qu’il n’y a que ça !) : les scènes d’action, juste impressionnantes. Au nombre de 4, ces scènes sont de véritables modèles d’efficacité sur le plan de la mise en scène (dynamique et offrant une sacré dose d’adrénaline) que des situations. On pouvait craindre que les lieux n’offrent aucune variété dans ces scènes, mais au final il n’en est rien, un détail rendant chacun de ses passages unique. La plus marquante de ces scènes restera le segment final, véritable scène d’action digne des plus grosses productions du genre où frissons, émotions, rires et actions sont au sommet. La longueur de cette dernière la rend d’ailleurs d’autant plus exquise, envoyant même balader avec une aisance déconcertante des standards du genre !
L’ensemble fonctionne donc à merveille, et ce n’est pas le rythme du film qui va aller à contrario de ce fait ! Car si l’alchimie entre ces deux univers fonctionne aussi bien, c’est aussi parce que Pixar sait exactement comment peser ces éléments. Le film enchaîne sans aucune difficulté une situation dramatique avec une plus humoristique, en les entrecoupant de temps en temps d’une scène d’action (ces fameuses 4 scènes) ou une qui sert à la morale du film. Rien de bien original dans son fonctionnement, mais pourtant, l’ensemble reste d’une rare efficacité, et le spectateur à rarement l’occasion de souffler : à peine remis d’une crise de rire (le film en offre une en enchaînant les meilleurs gags pendant 5 minutes. A pleurer de rire) ou d’une séquence émotion que revoilà le film parti ! Il n’y a aucune baisse de régime, et même lorsque les traditionnelles scènes vers le milieu du film où la morale commence à poindre le bout de son nez, ce qui avait par exemple fait défaut à Ratatouille (perdant de son rythme vers la moitié). Du travail d’expert, comme toujours !
Ce qui frappe aussi avec Là Haut, c’est l’originalité qui se dégage de l’œuvre. Il est certes difficile de vendre un film avec un héros vieillissant, un enfant obèse et une histoire pas si enfantine que ça, mais comme Wall.E, Pixar ose livrer quelque chose de différent, quitte à en subir les conséquences (les scores au box office de Wall.E sont là pour en témoigner). Car même si l’ensemble est classique, Pixar sait distiller un brin de folie par ci par là, une pincée de créativité à tel moment et bien d’autres choses. Les partis prix du film sont exceptionnels, et au final, le spectateur sort du film avec l’impression d’avoir vécu une aventure unique (alors que tout a déjà été fait et refait avec les Disney ou les précédents Pixar), fraîche et transpirant de créativité. On ne peut donner que raison à ces éléments, le film étant l’une des œuvres les plus originales et inventives que le cinéma d’animation est offert depuis des années, voir même des décennies !
Abordons désormais le point qui fait généralement la différence dans le cœur des mordus de dessins animés : la qualité de l’animation. Pionnier de l’animation 3D avec Toy Story, Pixar a su démontrer au fil de leurs œuvres qu’ils savaient offrir un univers des plus accrocheurs et une animation divine. Wall.E fut une énorme claque, au point d’être sacré visuellement plus beau film d’animation par de nombreuses personnes. Et il faut croire que Pixar maîtrise définitivement la bête, puisque Là Haut réussi ni plus ni moins à battre son prédécesseur avec une aisance déconcertante. Utilisant à peu prêt le même moteur que ce dernier, Là Haut livre une ambiance visuelle des plus créatives, mais aussi techniquement des plus bluffantes ! Les personnages sont modélisés à la perfection, les décors sont truffés de détails, le mouvement du vent est crédible au possible, les cheveux et les poils ont rarement étés aussi beaux, les couleurs pétillent sans pour autant faire mal aux yeux … Encore une fois, Pixar livre une tuerie graphique incomparable, surclassant tous ses concurrents de plusieurs années. Un spectacle visuel qui émerveillera la rétine, et encore plus en Disney Digital 3D …
C’est une énorme première pour Pixar qui propose pour son dixième long métrage son premier film d’animation visible avec des lunettes 3D ! Une technique attendue au tournant de la part du studio, même si ils avaient déjà pu s’y exercer avec Cars – Tokyo Master, court métrage diffusé avant Volt – Star Malgré Lui (film où Disney et Pixar ont collaborer). Et le moins que l’on puisse dire, c’est que encore une fois Pixar domine la concurrence, et ce même avec un coup d’essai. Car Pixar a bel et bien compris que le véritable intérêt de ces lunettes en plastique qui permet de voir le film projeté sur grand écran en relief (pour une majoration qui s’élève désormais à 3 euros) n’est pas de livrer des effets qui bondissent à l’écran juste pour éblouir, mais celui de la profondeur de champ ! Plutôt que d’écrire des situations qui servent de démo technique (et qui bousillent parfois complètement le scénario, qui n’a alors pas véritablement d’intérêt, comme Voyage au Centre de la Terre – 3D), Là Haut ne livre aucun (ou presque) effets techniques de cette trempe, préférant offrir un champ de vision des plus hallucinants. On voit que la technique a évoluée, aussi bien dans son utilisation que dans sa mise en forme. Une maison qui vole au dessus de l’écran, des habitations détachées des autres, une végétation des plus touffues, un aéronef dans le ciel … Chaque élément du film est sublimé par cette technique ! La profondeur de champ est extra, les personnages sont encore plus proches du spectateur, la technique dynamise encore plus les scènes d’actions ou les scènes plus intimes … Pixar réitère l’exploit de livrer avec un premier essai un coup de maître ! Probablement son utilisation la plus intelligente à l’heure actuelle !
Il serait cruel de terminer de parler des aspects un peu plus technique du film (à ce titre, il est important de préciser que la mise en scène est toujours des plus efficaces !) sans mentionner la musique de Là Haut. Pour cette dixième œuvre, Peter Docter à décider de faire appelle à Michael Giacchino, connu surtout pour ses partitions tonitruantes dans la série de J.J. Abrams : Lost. Pourtant, il ne faut pas oublier que l’artiste à composer les musiques de deux Pixar : Les Indestructibles et Ratatouille. On pouvait craindre un mini décalage avec l’ambiance du film par rapport à son travail en général (il suffit de voir que sa dernière composition est celle de Star Trek 2009, là aussi de Abrams), mais au final, le successeur de Thomas Newman dans les compositeurs Pixar livre une bande originale sublime. Basée sur deux leitmotivs, la composition de Giacchino sait passer par tous les types de musique classique, allant de la musique tonitruante pour les scènes d’action à celle typique de lieux mystérieux comme la jungle, en passant par des musiques plus mélancoliques. Ces dernières sont l’apothéose de son travail, et viennent achever le spectateur dans son émotion lors des scènes émouvantes du film. Des mélodies d’un rare lyrisme, qui rentrent très facilement dans la tête, mais qui auront du mal à en sortir !
Si Pixar à su se tailler une réputation, ce n’est pas que pour la qualité d’animation 3D de chacun de leurs films (qui parfois ont sauver l’intérêt du film du néant, comme pour le sinistre Cars), mais aussi pour leur capacité à proposer un divertissement s’adressant aussi bien aux enfants qu’aux plus grands ! Certains verront en Là Haut le traditionnel message de tolérance de la maison, ou encore la morale sur l’amitié entre deux êtres que tout semble opposer ; tandis que d’autres verront dans les aventures de Carl un parcours initiatique vers la mort, une odyssée pour accomplir des rêves perdus … Le film laisse libre court à l’interprétation, et comme les films d’un autre géant de l’animation, Hayao Miyazaki ; il est rare de trouver la même en fonction de chaque spectateur. Et mise à part le maître japonais, il est bien rare de trouver un tel niveau de lecture dans l’animation de nos jours !
Enfin, Là Haut n’échappe pas non plus à une autre tradition de Pixar : celle d’offrir un film bourré de références, aussi bien internes que extérieures. Le spectateur attentif et connaisseur du studio trouvera par ici une référence à Luxo Jr, par là une à Monstres et Cie, une via certaines répliques à Ratatouille, d’autres à de grands noms de l’aviation tels que Charles Lindbergh et son Spirit of St Louis, à Miyazaki en personne (encore lui !) et bien d’autres, dont une en référence à leur prochain film d’animation : Toy Story 3 ! (Une autre tradition du studio, celle de mettre des indices sur leur prochain film) Il est quasiment impossible de toutes les trouver en une vision, preuve que le film est extrêmement riche sur cet aspect là (mais en dehors aussi, comme démontrez précédemment)
En voyant un bilan aussi positif, une dernière question vient en tête : y a-t-il un aspect négatif dans Là Haut ? On a beau chercher, creuser pour espérer trouver la petite bête qui tachera l’ensemble, le constat est le même à chaque fois : ce dixième cru Pixar est tout simplement dénué de défauts ! Drôle, émouvant, captivant, bourré d’imagination, attachant, techniquement impeccable, musicalement divin, profond … Là Haut est tout cela, et bien plus encore ! Le studio américain livre encore une fois un chef d’œuvre absolu, maîtrisé de bout en bout, calibré pour tout type de spectateur ! Certains feront la pine bouche en trouvant l’ensemble trop bien huilé pour véritablement fonctionné ou prévisible, mais quand cette même formule est aussi bien gérée et aussi bien pensée, on ne peut que s’incliner devant la suprématie définitive de Pixar, qui peut encore une fois se reposer face à la concurrence, là haut, dans les cieux de la perfection …
Les + :
- L’animation, d’une beauté inouïe
- Le Disney Digital 3D, aucunement un gadget et techniquement impeccable
- Le scénario, classique mais pourtant efficace
- Les personnages, tous attachants
- Dug, juste le meilleur second couteau Pixar
- L’univers, débordant d’imagination
- Les scènes d’actions, modèles d’efficacité
- L’humour, à pleurer de rire
- Le propos du film, plus profond et plus mature que prévu
- Le rythme, mélangeant rires, larmes et actions avec brio
- La musique, magnifique
- Les 15 premières minutes, mémorables
Les - :
- Rien
- Rien
- Rien
Conclusion :
Là Haut était redouté, attendu au tournant par la communauté des fans mais aussi ceux qui avaient trouver en Wall.E l’œuvre la plus aboutie de Pixar, et au final, le résultat dépasse toutes les espérances placées sur le projet ! On pouvait craindre qu’après un dessin animé aussi abouti et profond (car très engagé), Là Haut soit un Pixar mineur. Au contraire, il réussi à égaliser la teneur psychologique de Wall.E en proposant une réflexion très intéressante sur le deuil, la mort et livre des moments d’une rare poésie et intensité dramatique (préparez les mouchoirs, une scène est à pleurer). Mélangeant avec une habilitée déconcertante moments de pure aventure et scènes plus intimistes, le dixième film made in Pixar impressionne aussi bien dans le fond (très recherché, et ouvert à de multiples interprétations) que dans la forme, avec une réalisation des plus bluffantes. Probablement le plus beau film d’animation à l’heure actuelle, Là Haut est encore plus savoureux pour les pupilles avec les lunettes 3D, qui cette fois ci n’offre aucun effet gadget, juste une profondeur de champ inouïe ! Rythmée comme il faut, ce film d’aventure ne serait pas le même sans sa galerie de personnages attachants au possible (dont un second couteau divin, Dug !) et son imagination débordante qui alliée à une folie créatrice sans limites emmène son public dans un univers basé sur des formules déjà éculées, mais des plus efficaces ! Que dire de plus, si ce n’est que la composition de Michael Giacchino est sublime, que l’alchimie entre rires et émotions est des plus maîtrisées, que le propos du film aborde des thèmes jamais vus auparavant dans le studio … Il est impossible de tout évoquer sur Là Haut, tant le film se révèle être des plus complets. Une œuvre fraîche, imparable et hautement savoureuse, propulsant le cinéma d’animation dans des cimes rarement atteintes. Même si le meilleur Pixar reste pour le moment Wall.E, Là Haut est un film de très haute volée, à voir et à revoir encore et encore. L’un des meilleurs films de l’année 2009, tout simplement !
Note : 10 / 10
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Critique rédigée par Mémé. Merci de respecter le droit d’auteur ainsi que le travail réalisé en ne copiant pas cet article.
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Critique rédigée le : 17/05/09